Extrait

Lisez-le de gauche à droite ou de droite à gauche, de haut en bas ou de bas en haut, retournez-le comme si vous le découvriez dans un miroir : NON reste NON. Avec ses deux N bien campés sur leurs pieds, cette lettre close en son milieu, NON constitue un palindrome, mot qui peut être lu dans un sens ou dans l’autre, sans que sa signification en soit altérée. Sur ce point, il est plus intéressant que le no anglais, espagnol ou italien, le nein allemand, le niet russe.

Par sa forme, non est une sorte de poing serré du langage, qui porte en lui quelque chose de catégorique et de définitif. Qui réfute et récuse. Qui fuse et refuse. Et semble nous dire : n’insistez pas, non c’est non !

Avez-vous remarqué que non est l’un des premiers mots prononcés par un enfant qui apprend à parler, celui par lequel il manifeste son opposition, faisant gentiment pression sur son entourage ? À cet âge-là, les motifs de refus sont souvent futiles : on ne veut pas aller dormir, on rejette un aliment, on cherche à tester l’autorité de l’adulte. Mais à travers ces premières manifestations de refus, l’enfant se prépare à exercer un droit qui se révélera sans doute nécessaire au cours de sa vie. Dix ans plus tard, il sera peut-être cette adolescente ou cet adolescent obligé de dire non à une personne qui le harcèle sexuellement. Plus tard encore, il deviendra cet être libre qui refusera l’endoctrinement ou l’obéissance aveugle, cette femme ou cet homme qui, réfléchissant, refusera soudain de fléchir, cette citoyenne ou ce citoyen qui saura dire non au tyran.